Amour de décembre

Amour déçu, 1821, Francis Danby

Roland Barthes
Savoir qu’on n’écrit pas pour l’autre, savoir que ces choses que je vais écrire ne me feront jamais aimer de qui j’aime, savoir que l’écriture ne compense rien, ne sublime rien, qu’elle est précisément là où tu n’es pas – c’est le commencement de l’écriture.

Décembre arrive enfin. Les rythmes de confinement, déconfinement et couvre feu ont emballé l’amour dans une fatalité obscure. Le quotidien précoce couvre les beaux sentiments d’un voile d’habitude, de certitudes et de relâchement.

Je cède pourtant aux facilités du quotidien, aux demandes raisonnables d’un amour tranquille et pérenne, gris et égoïste.

Décembre arrive, pour qu’enfin je me détache de ce qui n’importe pas, je suis libre d’exiger de l’amour lumineux, de retarder l’échéance de l’habitude, de fuir la facilité désolante d’une union banale et désenchantée.

Faille caniculaire

La chaleur nous écrase, tu fronces les sourcils comme si la moiteur avait absorbée toute ta patience, et que tu fondais là, sur ta chaise, tu en veux à la terre entière, parce que tu n’aimes pas, la façade est fortement atteinte, tu es enfin nu, et tu ressembles enfin à tous les hommes, tu es enfin comme les autres, inquiet du temps que tu partages, dessinant les contours de ton histoire avec minutie, rien ne sera laissé au hasard et c’est toi le maître de cérémonie. 
Alors tu trimballes les vivants comme des sacs sans âmes. 

Je ne sais même pas si la couche va se reformer, si tu va esquisser enfin un sourire avec l’air frais du soir, ça ne changera rien après tout, je n’ai pas de masque à faire tomber, je ne renoncerai pas à ma quête et je ne te serai désormais d’aucun secours.

Insoluble

Août. Une mémoire défaillante et des rêves récurents,

Des rêves de mer et de sang, et d’un retour de l’hiver en plein été.

Je me réveille en sursaut, prête à écrire, le coeur battant, prête à raconter, mais le silence de la nuit me réconcilie avec le secret et calme mes ardeurs.

Le jour se lève enfin, je noie le poisson dans un flot de paroles inutiles, de bavardage et d’anecdotes.

Y a t-il une issue à l’amour ?

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Magnolia

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Photo de Deena sur Pexels.com

Le magnolia fleurit.

Je n’entretiens pas le feu. On peut laisser croire ce qu’on veut, le temps, ce temps, ne nous sera pas offert. On serait naïfs de croire que rien ne change, et qu’on est l’un et l’autre dans l’attente de la fin qui nous attend.

 

Il a fait beau aujourd’hui, comme hier, et toutes les journées passées sans nous. Nous ne réajustons pas nos espoirs, nous attendons comme deux étrangers la fin du confinement, dans quelques semaines, et les mois d’éloignement seront fatal.

 

Le confinement, c’est un nouvel exil, une autre couche d’éloignement.

Toi et moi sommes déjà loin

 

émotions

Il faut écrire ses émotions, peu importe si cela ne permet pas toujours de les comprendre. Nous avons en nous cette capacité à cumuler de la colère, à garder secret des amours, à cultiver la culpabilité et à faire de notre corps une prison à émotions, plutôt que de les laisser nous traverser comme nous traversons le temps.

Oui, la vie est brève, personne n’avait pensé à prévenir qui que ce soit de la fin imminente de la normalité, de cette parenthèse désenchantée, qui fait de nous de petits (z)héros cloitrés chez nous, quand nous le pouvons, assistant à la fatalité. Une belle leçon, qui n’empêche pas l’individualisme le plus répugnant (tu les vois ces égoistes qui s’écrasent sur la vie avec tout le poids de leur égo).

Il y a aussi le temps qui passe, les deuils, la fragilité de la vie, ceux qui meurent du virus  (le dernier invité sur la liste existante et menaçante, sans doute pas le dernier) celui qui fauche des vie en chauffant le compteur, sans que personne ne réalise vraiment combien,  les chiffres c’est toujours un peu abstrait, un stade de foot ? une ville moyenne ? toutes ces vieilles personnes ? et les moins vieilles d’ailleurs ? toutes ces victimes à qui on ne peut même pas dire adieu, et puis les autres, ceux qui meurent seuls, ceux qui meurent d’autre chose, oui, la fragilité de la vie, son insignifiance et les projets qui ne sont plus que des nuages éloignés, passagers. Il va pleuvoir, peut-être pas.

Une belle ambiance.

Ce n’est pas tout, sous l’ombre des relations brisées, des regrets et des retours en arrière, l’heure est propice à la méditation, à la réflexion et au remue méninges. On a beau retourner la terre, parler aux rosiers, et pleurer le chat, il y a une réflexion profonde qui revient caresser toute cette bizarrerie que nous traversons. Et les amours naissantes alors ? et la vitre cassée ? et ces problèmes de plomberie et d’organisation ? et mon retard de correspondance ? et mon rendez-vous digital que j’ai sciemment manqué avec un ami qui a pris la peine de m’inviter sur une île déserte bien imaginaire. C’est cela la solution temporaire : une île déserte. Je ne finis pas les phrases et je jette mes brouillons.

Les mots ont cette capacité de dire et de raconter des fictions. Lorsqu’on dit le réel, les choses sont plus difficile, parce qu’on fige ce qui ne nous appartient pas. C’est plus dur.

Le mutisme des jours d’orages, pourtant je parle aux rosiers, je pleure le chat et je pense aux lendemains, ceux qu’on ne connait pas encore mais qu’on imagine, en s’interdisant de se projeter, parce que demain est incertain.

 

 

Insomnie

Journaux de confinement qui se succèdent et se ressemblent, une météo versatile et des amours naissantes, fragiles et éphémères.

Pas de bilan, le temps se délite et je ne sais pas me livrer avec parcimonie, je n’entretiens pas de mystère, je n’aime pas les convenances et je me baigne dans une indifférence totale aux bonnes manières.

Du bavardage, peu de sommeil, puis la nuit silencieuse enveloppe, apaise, et console.

liste de printemps

Entends-tu cette aubade matinale ? Les beaux jours arrivent, ça gazouille, ça tourbillonne, ça annonce de belles éclaircies, ça annonce le printemps.

Il traine sur la journée une liste hivernale que je trainerai jusqu’au printemps :

  • des allocutions présidentielles
  • un formulaire pour prendre l’air
  • des amendes dissuasives
  • du soleil toute la semaine
  • un jardin pour contrer l’enfermement
  • un coeur battant
  • la grande idée qu’on se fait de l’amour
  • les pages noircies par l’espoir
  • et quelques fictions pour me nourrir

 

Liste non exhaustive

 

 

Mémoire restante

« Je hasarde une explication : écrire c’est le dernier recours quand on a trahi. »

Jean Genet

Tourner autour de soi, traverser les souvenirs qui viennent à notre rencontre, écrire sur l’amour, sur l’amitié, l’enfance ou la famille, écrire comme une délivrance, et plutôt que de figer une mémoire dans un texte, remonter le fil du temps à mesure que les mots se couchent sur le papier. C’est ainsi que s’est imposé le récit autour de l’oubli, de la mémoire et de l’effacement.

J’ai essayé tant de fois de sortir l’idée de ma tête, de finir de raconter l’histoire qui traine depuis des lustres en moi et dont je n’arrive jamais à dépasser le commencement.

Je bloque sur l’articulation des émotions et des personnages, je les fais souffrir et je ne sais plus quoi en faire, je les abandonne alors, suspendus dans le temps, entre deux rives, deux pays, deux histoires et je ne me retourne plus les voir, parce qu’ils me font peur parfois et que j’ai l’impression de raviver un mal profond que même la fiction ne réussis pas à diluer.

ANSELM KIEFER
ANSLEM KIEFFER « AM ANFANG » 2008

 

Au coeur de tout cela, survit le coeur battant de Selma, la narratrice, elle perd la mémoire au fil des jours et se doit de raconter, se confier, tant pis pour la douleur, il y a une délivrance exquise à écrire des pages pour les tourner.

 

 

En cette froide saison, j’ai renoncé à te suivre, je ne sais plus suivre qui que ce soit de toute manière, même pas ma propre destinée. Je continue ma route, tu penses que je te laisse là, « comme un canapé ou une table qui n’irait plus, et dont on se débarrasse », c’est assez dur, de te l’entendre dire, de l’envisager ainsi et de le penser.

Mais d’ailleurs, pourquoi étions nous ensemble alors ? pour se tirer quelque part, être le soutien l’un de l’autre ? pour se porter à la chute ? pour se sauver ? Meubler la vie de l’autre ?

Est ce qu’on tentait d’être ensemble pour se sauver mutuellement du vide abyssal qui nous entoure ?

Est ce qu’on renonce à notre liberté, juste pour porter le poids d’un quelque chose qu’on ne saurait pas nommer amour, avec certitude et sans hésitations ?

 

Etonnement, acceptation.

 

Du temps silencieux pour s’écouter.

jusqu’à l’aube.

 

 

la lutte

La passion comme refuge, s’en nourrir. La soif de retrouver une trace, un lien, un battement de coeur ou quoi que ce soit qui me ramène à moi, pour habiter le corps une fois de plus, pour ressentir la vie se réintroduire en l’être, couper, fondre, habiter une autre, sortir de la route, faire une halte, se recroqueviller, se rétracter, revenir sur ses pas, s’engager, se désengager, s’enfuir au loin, le plus loin, chercher refuge, espérer encore, croire, désenchanter, sourire, courir, chercher au loin, à l’horizon, ressusciter des croyances, réincarner des morts, sourire à l’autre, rien qui bat, rien qui vit, continuer, humer, toucher, marcher le long des crêtes, se souvenir, s’arrêter.

ça repart.

 

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