Magnolia

shallow focus photography of pink flowers
Photo de Deena sur Pexels.com

Le magnolia fleurit.

Je n’entretiens pas le feu. On peut laisser croire ce qu’on veut, le temps, ce temps, ne nous sera pas offert. On serait naïfs de croire que rien ne change, et qu’on est l’un et l’autre dans l’attente de la fin qui nous attend.

 

Il a fait beau aujourd’hui, comme hier, et toutes les journées passées sans nous. Nous ne réajustons pas nos espoirs, nous attendons comme deux étrangers la fin du confinement, dans quelques semaines, et les mois d’éloignement seront fatal.

 

Le confinement, c’est un nouvel exil, une autre couche d’éloignement.

Toi et moi sommes déjà loin

 

oubli

Très cher amour,

vous avez oublié de reprendre le voile que vous aviez posé sur l’arbuste,

oublié la toile et tous les ornements que vous avait préparés le hérisson,

sur les grosses pierres où vous cédiez à la facilité des mots

et sur le chemin du retour vous avez tenté de revenir sur vos serments,

je ne vous garde rien, et je me garde de vous prévenir encore,

je vous souhaite de bons départs et de merveilleuses aventures,

et je sens mon cœur frêle s’émouvoir de vous savoir peut être revenir,

mais je n’attendrai point, je vous sais volatile

body of water under blue and white skies
Photo de Matt Hardy sur Pexels.com

cadeau

clear-sky-and-glaring-sun-over-hillside.jpgPhoto by Jordan Wozniak on Unsplash

 

Ecrire, pourquoi donc ? Une tentative de liquider la mémoire, ce trop de choses dont je ne sais quoi faire et qui voudrait  sortir de là, et aller se coucher sur du papier, pour faire la paix, parce que rien d’autre n’est  possible.

 

Des changements considérables s’annoncent, ils me laisseront le temps d’explorer, de partir, de me signifier la course des nuages, les quelques regrets qu’on laisse au bord de la route, puisqu’ils ne sont plus constitutifs de ce que je suis, de ce à quoi j’aspire, les questions aussi, très nombreuses mais qui ne me tourmentent plus, puisque j’apprécie aujourd’hui cet inconnu, de me jeter dans la vie comme il se doit, sans bouée de sauvetage, sans rien autour qui puisse troubler la quiétude de ce plongeon.

Aux portes de l’été, je me dénude, dans un pays presque froid, et je cherche à partir loin, sur d’autres rives, vers d’autres aventures, je souhaite recroiser l’inconnu que j’avais délaissé au profit de la routine nécessaire à l’ancrage, la routine relative à l’installation.

 

Dans deux semaines, je serai libre d’un travail qui m’épanouit pas, d’un quotidien de course et de certaines obligations. Dans deux semaines, je vais devoir remettre les pendules à l’heure (celles qui comptent), je vais prendre plus de temps pour lire, écrire, questionner, jardiner, et vivre tout simplement. Dans deux semaines, je pourrais faire de longues balades en forêt, faire le tour des expositions que j’ai manqué, faire le vide chez moi et me recentrer sur l’essentiel.

 

Ce ne sera sans doute pas facile, mais je suis heureuse et consciente d’avoir une chance de m’offrir cette halte dans une vie dont le rythme ne cesse de s’accélérer. Je vais croquer un peu de liberté.

 

 

Point de rupture

« Tu es castratrice, c’est ça que tu es, tu voudrais que tout le monde te plaignes mais tu veux tout contrôler, mais oui, continue à me regarder avec ton sourire narquois, tu fais la fière, entre ton regard de bonhomme ou ton sarcasme continue, tu fais comme si rien ne t’atteignait, tu es inatteignable, la femme forte, mais on s’en fout, de toute manière, tu vas en faire quoi de ton fils ? un être associable, un rebut de la société qui saura impressionner son prof de philo mais qui aura une vie sentimentale vouée à l’échec…combien d’hommes as tu connu avant moi, pourquoi est ce que tu les jettes tous, parce que tu ne les castres pas ? parce qu’ils sont trop dociles ? arrête de me regarder comme ça…dis quelque chose. »

Quelque chose, j’aurais bien dit quelque chose s’il y en avait à dire, j’aurais bien pris tous les mots disponibles et je les aurais alignés pour expliquer l’infertilité de ces mots qu’il me jetait comme des pierres en essayant de vérifier entre chaque saccade de mots si quelques uns parvenaient à se frayer un chemin en moi pour me taillader, il me demandait de cesser de le regarder mais c’est lui qui accrochait son regard au mien pour y déceler de la peine, des larmes à venir, ou toute autre émotion. Je ne voulais plus bouger, je voyais ses mains trembler, il me faisait de la peine à s’être surpassé pour être méchant, pour vomir ce qu’il retenait en lui comme une concession, comme un arrangement temporaire « j’aime le toi rebelle » me disait t il, il aspirait ses mots. Nous sommes restés à nous regarder ainsi quelques instants puis il alluma une cigarette, comme pour rompre ce bras de fer, j’étais soulagée et je n’avais pas envie d’envisager le pire, de l’imaginer courir réveiller mon fils pour lui raconter comment sa mère était castratrice, comment j’allais détruire sa vie sentimentale par mon trop de liberté, par ma volonté de ne pas appartenir. C’est touchant un homme blessé, mais j’aurais pu deviner ces mots vomis, questionnés comme un enfer de couple, comme ce que je ne voulais pas. Ari s’est mis à la fenêtre et regardait à l’extérieur en soufflant comme pour rembobiner la cassette, comme pour reprendre à nouveau et me dire cela dans un ton moins agressif, avec des phrases moins culpabilisante, je ne bougeais pas de ma chaise et je le regardais de dos, complètement beau mais abîmé, c’était moi l’abîme, la malédiction, je me souvenais d’une de ces premières soirées de notre rencontre, où je lui avais dit, sous le coup de l’ivresse que je n’avais rien à donner, qu’il ne devait rien attendre de moi et je me souviens de son sourire presque satisfait, il ne comprenait sans doute pas que je lui confesse cela alors que j’étais toute passion et amour, il venait me parler de mes blessures, de comptes que je n’aurais pas réglé…c’est dommage parce que tout s’évapore et ça me rend tellement triste de me dire que j’avais raison, qu’ainsi sont les hommes et que je ne suis pas faite pour l’amour. Il a fini sa cigarette, j’ai un peu froid, je sens quelque chose m’habiter, j’ai besoin de me couvrir, de dormir, je lui aurais bien demandé de s’en aller, de trouver une autre occupation, de chercher quelqu’un d’autre à blesser et je pressens ce moment où soulagé d’avoir vomi tous ces mots, il ne reviennent me dessiner la peine, qu’il revienne s’excuser.

 

La maison du rocher (2)

L’espoir se délite au fil des jours, je me retrouve coincée dans un quotidien sans horizon, je sais bien que jamais je ne sauverai ma peau, parce que je suis capable d’aimer pour la musique d’une voix, le haussement d’un sourcil, la chaleur d’une peau ou de la peine dans un regard. Lorsque je suis née, la vieille tante de ma mère, qui l’avait accueillie et hébergée dans sa modeste cabane dans un petit village à l’ouest du pays, après qu’elle soit tombée enceinte d’un homme dont elle parlait très peu, lui avait chanté que je vivrais pour aimer, elle avait pris une aiguille et l’avait chauffé à la bougie, pour la désinfecter, puis m’avait transpercé l’oreille, pour que je pleure et que je puisse m’accrocher à la vie comme plus tard j’accrocherai des bijoux à ce trou de naissance.

Je ne connais pas les conséquences de ce piercing qui m’aura arraché un cri terrible, c’est Nenna, la vieille tante qui me racontait cette histoire le soir, pour que je m’endorme, lorsqu’elle me gardait des semaines durant sans que je vois ma mère qui travaillait à Alger. Je me souviens que je m’installais sur ses genoux, que je lui caressais son visage très ridé et tatoué, pendant qu’elle me racontait sans transition : la guerre, ma mère, les fleurs, son mari mort à la guerre, ses enfants partis à l’étranger pour ne jamais revenir et puis ma mère encore et ma naissance et la beauté du feu qu’on admirait dans son poêle, puis elle se faisait un café sur ce même feu et allumait la cigarette qu’elle gardait au dessus de son oreille. C’était le signal pour que je me couche et que j’arrête de poser des questions, parce que Nenna avait besoin de reposer son corps chétif et se remettre de tous les souvenirs qu’elle me racontait inlassablement comme pour se prémunir de l’oubli.

Je vis pour aimer, j’ai grandi sans nom, sans père, mais c’était bien indiqué partout, sur mes papiers, « Amel, identité du père inconnue » j’étais une mineure, fille de pute, et j’ai appris à en être fière parce que ma mère avait bien trimé pour que je vive, en dépit de ses amours passées, de sa peine profonde qui l’a épuisée jusqu’à sa mort précoce alors même que je n’avais pas 20 ans.

 

le souvenir et le vrai

Mes souvenirs se transforment, se défont et se refont au grès des aventures et des émotions que je m’autorise. Certains souvenirs nous habitent et empêchent le bonheur, d’autres sont plus élégants et ne reviennent nous hanter que lorsqu’on y est disposés, l’âme tranquille et l’esprit en paix. Longtemps, j’ai été hantée par des images, des histoires dont je ne comprends pas tout et qui m’ont happé quelque temps, qui m’ont empêchés d’agir de façon raisonnable et réfléchie.

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Certains souvenirs évoluent, la réalité est souvent pervertie par nos regrets, nos projections et notre état général. Ainsi, lorsque j’ai revu mon ex amoureux (pour prendre un exemple « soft ») bien que consciente des raisons de notre séparations, les seuls souvenirs qui sont venus habiter ma conscience le soir, c’est les chouettes moments qu’on partageait, c’était comme une euphorie, et je n’ai à aucun moment pensé à la montagne de choses qui divisait notre couple, à la grande souffrance que j’ai vécu, et au sentiment d’insécurité, ni même à la pression constante que je vivais les dernières années de notre histoire.

Heureusement, et de façon simple d’ailleurs, j’ai réussi à me remémorer tout cela en pensant objectivement à moi, en me demandant ce qui a changé ces derniers temps, quels étaient mes objectifs et quelles énergies je souhaitais mettre dans mon quotidien et partager avec mes proches. En faisant ce travail sur moi même de façon apaisée et sans me juger (j’apprends à être tolérante avec ma propre personne comme je sais l’être avec les autres…). Je me suis posée des questions claires et j’ai essayé de mettre de côté le sentiment néfaste de culpabilité.

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Tout cela pour dire que dans cette période chargée (déménagements, changements pro etc), il m’a été salutaire de faire un travail sur moi même, d’apprendre à m’écouter, et ne pas me laisser piéger par une nostalgie passagère sans pour cela m’empêcher de vivre l’instant présent comme un cadeau. J’aurais pu, l’espace d’un instant, retomber dans les bras charmeurs de cet homme que j’ai jadis aimé, mais qui m’a fait beaucoup de mal.

J’aurais pu faire des arrangements avec la vérité, sans même m’en rendre compte, de prendre de mauvaises décisions et de cultiver la tristesse et l’échec par peur du changement. Désormais, je suis plutôt dans une autre dynamique (en totale opposition) de me rapprocher de la vérité, de n’accepter que ce qui est clair et sain, et tant pis si on me trompe, le plus important c’est de ne pas me tromper moi-même.

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