la haine des femmes

« Ne te rends-tu donc pas compte de ce que tu fais, tu n’es pas libre, tu ne comprends pas que c’est toute la famille que tu jettes en pâture lorsque tu prends la liberté de choisir, que dis-je ? la famille seulement ? non, la famille, la nation, le monde et tu mets en péril la survie de l’humanité. N’est ce pas par ta chatte que tu crées la vie, tu dois la préserver, donc la cacher, la torturer, de temps à autre couper du désir et n’être qu’une réponse variablement molle au désir de l’autre, c’est quand ils veulent, sous les formes qu’ils veulent, n’est ce pas plus esthétique que d’acheter un vagin, que de se l’approprier en prenant en lot l’utérus pour y semer des graines et reproduire cette damnation vers l’infini, repasser par des solutions secrètes et des arrangements pour perpétuer la tradition, et toujours faire triompher les apparences, après tout, il n y a que cela de vrai. »

Un jour, alors que je me baladais entre l’enfance et l’adolescence, seins naissants et détestation maternelle, je me suis allongée aux côtés d’un homme que j’aimais, mon père.

Nous avions une relation maladroite mais de l’amour sain, une bienveillance que je ne connaîtrai plus jamais parmi les femmes et les hommes qui m’ont entourés depuis.

Je ne me souviens pas clairement de la circonstance, mais j’ai bien en mémoire la banalité du geste, nous avions une relation froide et distante, de l’amour très peu démonstratif mais immense. Je me suis allongée sur le grand lit alors qu’il me racontait quelque chose de banal encore mais nos échanges rares étaient précieux même lorsqu’il énumérait en quoi l’apprentissage de l’arabe était un défi pour lui. Je ne me souviens donc plus de ce qui se disait, mais j’étais juste heureuse de partager du temps avec cet homme d’ordinaire absent, invisible et d’un calme olympien. Soudain, dans une interruption digne d’un mauvais scénario égyptien des années 90, ma mère fit irruption dans la chambre, fracassant presque la porte entrouverte, elle me regarda les yeux injectés de sang, et me dit quelque chose d’horrible, qui ressemblait à « Il manquerait plus que ça, que tu dormes avec ton père, tu es vraiment une Beni Addass ».

Mon père rougit, il marmonna quelque chose de calme et je suis partie en pleurs, je ne comprenais pas comment cette femme qui m’avait mise au monde avait pu introduire de l’obscène dans une scène banale du quotidien, dans l’innocence de l’amour que nous partagions. Elle qui n’avait pas voulu voir les abus qui ont pu se jouer sous ses yeux, et qui a détruit le seul lien sain que je n’ai jamais eu avec quelqu’un. Mon père.

Je lui en voulu longtemps, très longtemps, elle m’avait humilié, elle avait crée une gêne terrible que nous n’avions pas su dissiper et elle m’a privé d’un des rares instants que je pouvais partager avec mon père, lui parti trop tôt. Je pourrais peut être aujourd’hui m’allonger sur sa tombe et cracher sur les bonnes manières ou le vice de ma mère, je pourrais aujourd’hui parler à son cadavre six pied sous terre et rongé par les verres, pour lui raconter comment je regrette ne pas avoir eu le temps de partager d’autres choses, que depuis cet instant où ma mère m’a considéré comme une rivale, une ennemie, une femme en devenir avec des seins qui percent, je n’ai plus jamais pu l’embrasser, lui parler. Je n’en avais plus envie parce qu’elle avait introduit quelque chose de moche dans ma tête d’enfant/ado.

Pourtant, elle était proche de son père elle, elle l’embrassait sur la bouche, se mettait sur ses genoux, voyageait partout avec lui et a bien profité de sa présence tout au long de sa vie.

Je n’irai pas me coucher sur sa tombe, de toute manière je n’aime plus les cimetières. Je ne dirai rien à ma mère non plus.

Un commentaire sur “la haine des femmes

Ajouter un commentaire

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑